Pages

Kobos est un cabinet de formation à la fonction managériale et commerciale. Depuis plus de 20 ans, notre cabinet accompagne les hommes et les femmes du monde de l'entreprise, dans l'objectif de retrouver une légitimité professionnelle dans tous types de relation.

lundi 19 mai 2014

Je manage, donc je suis

Article extrait du Monde, le 6 mai 2014 : 

      Sociologues, historiens, philosophes... le management français ouvre ses portes à la culture. Comment s'adapter? Comment motiver les meilleurs éléments de l'entreprise? Comment faire émerger l'innovation? Paléoanthropologue au Collège de France, Pascal Picq est ainsi souvent convié par les entreprises pour répondre à ces questions relativement classiques du monde du travail. 
      Depuis qu'il a été sollicité pour une conférence dans la Grande Galerie de l'évolution sur le naturaliste Lamarck et le management, ce spécialiste de l'évolution de l'homme et des grands singes est très convoité. Dernière entreprise en date à le solliciter, EDF, qui lui a demandé de tenir une conférence sur l'innovation.


Pascal Picq lors d'une conférence

      Les entreprises recourent également à l'art pour leur politique de management. La caisse centrale des activités sociales d'EDF-GDF a ainsi signé le 8 avril un partenariat avec le ministère de la culture pour organiser des micro-expositions au sein des sociétés.
      Plus que d'un goût pour l'érudition, ces démarches témoignent d'une nouvelle approche du management. "Les experts en management ont compris que la culture générale est une matière riche pour faire progresser les collaborateurs", affirme Xavier Ouvrard. Le président de l'association Progrès du management a suivi une formation sur l'émotion esthétique donnée par le philosophe Charles Pépin, à la suite de laquelle il a décidé d'amener ses collaborateurs au Louvre. L'occasion de réinstaurer le dialogue, de libérer la parole dans ce cadre informel et stimulant.
      Dans un contexte de crise, les directions des ressources humaines cherchent des alternatives aux pratiques en cours. "Avec la crise, le discours traditionnel du management a failli, les bonnes recettes du passé ont montré leurs limites", renchérit Isabelle Barth. La directrice générale de l'EM Strasbourg a lancé un partenariat entre son école et une faculté de philosophie. Objectif : développer le regard critique et la capacité à innover. "Chausser des lunettes autres que celles du management, c'est une autre façon de manager" résume Mme Barth, coauteure avec le philosophe Yann-Hervé Martin de l'essai La Manager et le Philosophe. Une attitude vitale dans un monde où les cadres se sentent souvent perdus.
      Déboussolés, nombre de dirigeants cherchent des réponses dans la culture générale. "Je n'ai jamais été autant sollicité que pendant la crise", témoigne ainsi Pascal Picq. "Nous avons été formés à l'école de papa, celle du management pyramidal, mais aujourd'hui on entend parler de nouvelles structures, sérieuses, de type collaboratif ou associatif. Beaucoup de patrons ne savent plus s'il faut s'appuyer sur la vieille école ou basculer dans la nouvelle", explique Gilles Alberger. Ce créateur d'entreprises s'est tourné vers la philosophie, qui a changé sa façon de manager. "Le point de vue philosophique est intéressant dans le sens que nous donnons à la marque et aux collaborateurs qui participent au projet. Il y a trente ans, on disait du consommateur qu'il était le destructeur final du produit. Aujourd'hui, le client en est le dépositaire, nous vendons au sens plus qu'un produit."  
      Michel Puech ne dit pas autre chose. Pour ce philosophe et consultant en entreprise, les formateurs ont compris que l'excellence d'un groupe repose désormais sue sa capacité à "inventer un produit aux racines culturelles profondes comme Google, Facebook ou Uber". C'est pourquoi les connaissances techniques, financières ou managériales ne suffisent plus : "Insérer les technologies dans le quotidien, les rendre socialement acceptables suppose une sensibilité que l'ingénieur et le manager ne possèdent pas".  
      Et que la culture générale peut apporter. A condition de s'engager dans une démarche sincère et suivie. Le philosophe Yann-Hervé Martin se souvient d'une intervention auprès d'une grande banque sur la prise de risque. "Ce que j'avais de plus important à dire, ma critique des objectifs chiffrés, a été accueilli avec scepticisme." Il a eu l'impression de n'offrir qu'une récréation intellectuelle.


   
   "Il y a un frémissement depuis quelques années, mais cela tient encore trop de l'effet de mode, constate Thibaut Brière, philosophe, intervenant en entreprise. C'est rigolo, c'est une bouffée d'oxygène, mais on se donne bonne conscience, cela reste cosmétique tant que ça demeure sans conséquence réelles sur le management et l'organisation". Il faut aller au-delà de la simple conférence pour que la culture puisse être véritablement enrichissante. Concrètement, il s'agit de veiller à la transparence et à l'autonomie dans l'entreprise, de s'assurer que ce sont bien les collaborateurs qui se donnent leurs propres objectifs, à tous les niveaux, explique-t-il en substance.  
      Pour stimuler l'esprit critique, M. Brière, également responsable de la philosophie du groupe Hervé, demande aux employés de reconnaître leurs éventuelles erreurs auprès de leurs clients, même si ces derniers ne les ont pas vues.  

"Si la culture d'entreprise encourage des comportements contraires à ce que les collaborateurs apprennent lors de s formations, c'est inutile, voire nuisible, insiste t-il. Il faut accepter de mettre les mains dans le cambouis, s'occuper des managers, mais aussi de l'environnement de travail."

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire